Résumé:
Albin Michel 1982 Actes Sud 1998 Babel Présentation éditeur : Le passé n'oublie rien. Il y aura toujours un ancien
pour se souvenir. Une femme pour témoigner. Un enfant qui
racontera… Dix ans après les faits, en France, dans
les années quatre-vingt, le seul homme à «
savoir » voit ressurgir le risque que la vérité
n'éclate. Cette vérité concerne le Parti. Elle
vise le leader, l'homme charismatique à la jeunesse
méconnue. Quels furent ses positions et ses actes dans les
années de guerre avant qu'il ne milite ? Comment faire
taire l'inacceptable alors qu'un corbeau semble à nouveau
déterminé à rouvrir les plaies ? Article Henry Yan (1er novembre 2004) : En France, tout finit par des chansons, et en polar, tout
commence par des meurtres. Ceux de quelques Allemands
septuagénaires, puis d’un chasseur breton,
radiologue dans le civil, et d’un jeune homme
d’affaires israélien. Tous perpétrés en
1972, à l’automne. Tous passeront pour des accidents
ou seront étouffés. Six ans plus tard, le chantage
commence. Car ces documents qui arrivent au Parti Communiste
Français, ce ne peut-être que du chantage. On
commence à se le dire, à se le répéter :
quelque chose, ou quelqu’un a dérapé en 72.
Faut-Il le prévenir? Non, se dit-on. Le Secrétaire
Général est un homme médiatique, même si
l’on se moque volontiers de ses traits caricaturaux,
notamment lors de pugilats mémorables avec les
journalistes. Un ouvrier pour un Parti ouvrier. On
préfèrera appeler le Grand Frère à
l’aide, comme en 72. La post-face de cette véritable bombe à
retardement prône la chute des masques. Est-ce bien
nécessaire? Comment ne pas reconnaître les visages et
les traits de caractère de Georges Marchais, de Robert Hue
et tant d’autres ? Ecrit par un trotskiste convaincu, et
publié en premier lieu sous le pseudonyme de Ramon
Mercader -l’assassin de Trotsky-, c’est une belle
vengeance et un beau panorama des premiers soubresauts de la
fin de la grande époque du PCF. Nul doute que la plupart
des lecteurs y trouveront leur compte rageur, qu’ils
soient de droite et y trouvent une confirmation éclatante
quoique fictionnelle du fonctionnement inquiétant du Parti
de l’époque soviétique, ou de gauche, voire
communistes, mais prêts à s’offrir un droit
d’inventaire cinglant. Et pourquoi pas ? Que tombent les masques, justement. Le
postulat fictionnel est osé, et n’a pas la
prétention de mettre au jour une vérité
cachée. Le passé de Georges Marchais a moins
fasciné que son actualité des années
soixante-dix. L’homme politique le plus facileà
imiter est pourtant resté un homme secret, se cachant
probablement derrière ses rodomontades médiatiques.
Un apparatchik ? De telles choses existeraient ? En France ? Le
Parti français, qui se voulait tellement rassurant,
soucieux d’offrir un visage humain, ne valait-il pas
mieux que ses inspirateurs gouvernés secrètement par
le KGB ? A-t-on créé un dirigeant de toutes
pièces, une machine à orienter le Parti dans une
direction ou une autre ? Jonquet l’affirme, dans un style violent mais presque
neutre : implacable. Impitoyable, comme la désormais
fameuse “impitoyable vraisemblance” recherchée
par James Ellroy, lui aussi spécialiste des entrelacs de
la fiction et de l’Histoire. On pourrait relire
l’avertissement d’American Tabloid et
l’appliquer ainsi au roman de Jonquet : “Le Parti
n’a jamais été innocent.” Entrez dans le
Parti selon Jonquet, et découvrez les parcours
croisés d’anciens résistants et de
faux-héros, la manière dont d’ancien
déportés choisissent un délateur collabo pour
dirigeant uniquement parce que le personnage est ainsi
totalement sous contrôle. Difficile de ne pas penser aux
séquences effrayantes du Nixon d’Oliver Stone qui
montre un Nixon façonné par les pontes du
pétrole, uniquement parce que ces derniers pensent le
tenir. Entrez dans le Parti selon Jonquet et découvrez
également certaines pratiques sectaires qui n’ont
rien à envier à L’Aveu d’Arthur London,
comme celle de réécrire constamment sa biographie
à la demande d’un petit chef, par peur panique de
l’infiltration bourgeoise. Entrez dans le Parti selon
Jonquet et découvrez la face cachée de Robert Hue,
dont le plus que douteux coup médiatique de 1978 lui a
assuré une place de député, en jonglant
déja avec des thèmes fleurant bon
l’extrême-droite. Rien de cet épisode
n’est polémique, aujourd’hui : la récente
série documentaire Camarades a levé un coin du voile
sur la dénonciation spectaculaire, lorgnant vers
l’incitation à la haine raciale. Mais entrez-y maintenant, alors que le siège de la
Place du Colonel Fabien ne renferme plus que la nostalgie. A
l’époque de sa publication, le roman ne rencontra
apparemment pas le succès qu’il aurait
mérité. Forcément vilipendé par le Parti,
il eut été une lecture salutaire pour les militants
comme Madeleine Fignac, héroïne tragique, qui voit
son parti et ses idéaux dévoyés par calcul
politicien, comme si le plus idéaliste des partis
politiques n’avait finalement guère mieux valu que
ses adversaires. Du Passé faisons Table Rase n’a
rien perdu de sa force. Il prend une saveur un peu
désuète, pour certains, mais il ouvre plutôt la
voie, du moins faut-il l’espérer, à
d’autres franc-tireurs. A quand un grand roman sur les
affaires du RPR? A quand un Balzac moderne pour dépeindre
à l’acide les manoeuvres des Rastignac de notre
époque et des époques qui ont façonné notre
époque ?