Bibliothèque de Basile 31
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Bibliothèque de Basile 31

Du passé faisons table rase
Thierry Jonquet

Couverture

Du passé faisons table rase

Résumé

Étiquettes: [Policier - Mystère, Lang:fr]

Résumé:

Albin Michel 1982

Actes Sud 1998

Babel



Présentation éditeur :

Le passé n'oublie rien. Il y aura toujours un ancien pour se souvenir. Une femme pour témoigner. Un enfant qui racontera… Dix ans après les faits, en France, dans les années quatre-vingt, le seul homme à « savoir » voit ressurgir le risque que la vérité n'éclate. Cette vérité concerne le Parti. Elle vise le leader, l'homme charismatique à la jeunesse méconnue. Quels furent ses positions et ses actes dans les années de guerre avant qu'il ne milite ? Comment faire taire l'inacceptable alors qu'un corbeau semble à nouveau déterminé à rouvrir les plaies ?



Article Henry Yan (1er novembre 2004) :

En France, tout finit par des chansons, et en polar, tout commence par des meurtres. Ceux de quelques Allemands septuagénaires, puis d’un chasseur breton, radiologue dans le civil, et d’un jeune homme d’affaires israélien. Tous perpétrés en 1972, à l’automne. Tous passeront pour des accidents ou seront étouffés. Six ans plus tard, le chantage commence. Car ces documents qui arrivent au Parti Communiste Français, ce ne peut-être que du chantage. On commence à se le dire, à se le répéter : quelque chose, ou quelqu’un a dérapé en 72. Faut-Il le prévenir? Non, se dit-on. Le Secrétaire Général est un homme médiatique, même si l’on se moque volontiers de ses traits caricaturaux, notamment lors de pugilats mémorables avec les journalistes. Un ouvrier pour un Parti ouvrier. On préfèrera appeler le Grand Frère à l’aide, comme en 72.



La post-face de cette véritable bombe à retardement prône la chute des masques. Est-ce bien nécessaire? Comment ne pas reconnaître les visages et les traits de caractère de Georges Marchais, de Robert Hue et tant d’autres ? Ecrit par un trotskiste convaincu, et publié en premier lieu sous le pseudonyme de Ramon Mercader -l’assassin de Trotsky-, c’est une belle vengeance et un beau panorama des premiers soubresauts de la fin de la grande époque du PCF. Nul doute que la plupart des lecteurs y trouveront leur compte rageur, qu’ils soient de droite et y trouvent une confirmation éclatante quoique fictionnelle du fonctionnement inquiétant du Parti de l’époque soviétique, ou de gauche, voire communistes, mais prêts à s’offrir un droit d’inventaire cinglant.



Et pourquoi pas ? Que tombent les masques, justement. Le postulat fictionnel est osé, et n’a pas la prétention de mettre au jour une vérité cachée. Le passé de Georges Marchais a moins fasciné que son actualité des années soixante-dix. L’homme politique le plus facileà imiter est pourtant resté un homme secret, se cachant probablement derrière ses rodomontades médiatiques. Un apparatchik ? De telles choses existeraient ? En France ? Le Parti français, qui se voulait tellement rassurant, soucieux d’offrir un visage humain, ne valait-il pas mieux que ses inspirateurs gouvernés secrètement par le KGB ? A-t-on créé un dirigeant de toutes pièces, une machine à orienter le Parti dans une direction ou une autre ?



Jonquet l’affirme, dans un style violent mais presque neutre : implacable. Impitoyable, comme la désormais fameuse “impitoyable vraisemblance” recherchée par James Ellroy, lui aussi spécialiste des entrelacs de la fiction et de l’Histoire. On pourrait relire l’avertissement d’American Tabloid et l’appliquer ainsi au roman de Jonquet : “Le Parti n’a jamais été innocent.” Entrez dans le Parti selon Jonquet, et découvrez les parcours croisés d’anciens résistants et de faux-héros, la manière dont d’ancien déportés choisissent un délateur collabo pour dirigeant uniquement parce que le personnage est ainsi totalement sous contrôle. Difficile de ne pas penser aux séquences effrayantes du Nixon d’Oliver Stone qui montre un Nixon façonné par les pontes du pétrole, uniquement parce que ces derniers pensent le tenir.



Entrez dans le Parti selon Jonquet et découvrez également certaines pratiques sectaires qui n’ont rien à envier à L’Aveu d’Arthur London, comme celle de réécrire constamment sa biographie à la demande d’un petit chef, par peur panique de l’infiltration bourgeoise. Entrez dans le Parti selon Jonquet et découvrez la face cachée de Robert Hue, dont le plus que douteux coup médiatique de 1978 lui a assuré une place de député, en jonglant déja avec des thèmes fleurant bon l’extrême-droite. Rien de cet épisode n’est polémique, aujourd’hui : la récente série documentaire Camarades a levé un coin du voile sur la dénonciation spectaculaire, lorgnant vers l’incitation à la haine raciale.



Mais entrez-y maintenant, alors que le siège de la Place du Colonel Fabien ne renferme plus que la nostalgie. A l’époque de sa publication, le roman ne rencontra apparemment pas le succès qu’il aurait mérité. Forcément vilipendé par le Parti, il eut été une lecture salutaire pour les militants comme Madeleine Fignac, héroïne tragique, qui voit son parti et ses idéaux dévoyés par calcul politicien, comme si le plus idéaliste des partis politiques n’avait finalement guère mieux valu que ses adversaires. Du Passé faisons Table Rase n’a rien perdu de sa force. Il prend une saveur un peu désuète, pour certains, mais il ouvre plutôt la voie, du moins faut-il l’espérer, à d’autres franc-tireurs. A quand un grand roman sur les affaires du RPR? A quand un Balzac moderne pour dépeindre à l’acide les manoeuvres des Rastignac de notre époque et des époques qui ont façonné notre époque ?